Du christianisme au libéralisme, par Maurice Sachot
Le libéralisme s’est formé dans un monde où le christianisme, en tant que religion, était devenu l’instance instituante. Sa possibilité et sa chance de réussite tiennent à ce qu’il puisse rejouer le même type de transformation que celui-ci a effectué lorsqu’il s’est qualifié de religion et a été reconnu comme telle par les institutions politiques de l’époque. Le néolibéralisme entend être au monde d’aujourd’hui ce que le christianisme fut au monde romain : assumer la fonction architectonique de l’ensemble du monde, en devenir l’instance instituante, non plus de l’extérieur (comme une Église), mais de l’intérieur (comme instance immanente).
Maurice sachot enseigne la philosophie ancienne a l’universite Marc-Bloch et les Sciences de l’éducation a l’universite Louis-Pasteur.
Territoires numériques, par Pierre Musso
« Si, comme Zola, nous déclarions que nos personnages sont veules, faibles, lâches ou mauvais à cause de l’hérédité, à cause de l’action du milieu, de la société, à cause d’un déterminisme organique ou psychologique, les gens seraient rassurés, ils diraient : voilà nous sommes comme ça, personne ne peut rien faire ; mais l’existentialiste, lorsqu’il décrit un lâche, dit que ce lâche est responsable de sa lâcheté. Il n’est pas comme ça parce qu’il a un coeur, un poumon ou un cerveau lâche, mais il est comme ça parce qu’il s’est construit comme lâche par ses actes. » Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Nagel, 1946.
Pierre Musso est professeur à l’université de Rennes 2, directeur du master « Innovation, réseau et usages des TIC ». Dernier livre publié : Le Vocabulaire de Saint-Simon, Ellipses, 2005.
La renaissance des gares, par Albert Lévy
Qu’est-ce qu’une « gare » ? Il en existe de plusieurs espèces suivant deux lignes d’évolution : l’histoire des transports (de la locomotive à vapeur au TGV) et celle de la ville. Monuments historiques en centre-ville ou rejetées en périphérie, ostentatoires ou enfouies sous terre, étroitement adaptées à leur fonction ou diversifiées jusqu’à devenir ville elles-mêmes : Albert Lévy en analyse les variétés.
Albert Lévy est architecte, chercheur au CNRS. Ses recherches portent sur le projet architectural et urbain. Dernier livre paru : Les Machines à faire-croire I : Formes et fonctionnements de la spatialité religieuse, Anthropos-Economica, 2003. En préparation, La Madeleine et le Panthéon. Les machines à faire-croire II : Pouvoir de l’espace, pouvoir de l’image, Anthropos-Economica.
Mind the gap, par Philippe Vuaillat
Attention aux petits écarts plus significatifs qu’on ne croit. Entre le quai et le wagon, entre Londres et Paris, entre le dedans et le dehors. C’est une question de sécurité, culturelle et personnelle.
Philippe Vuaillat est ingénieur et scénariste.
Vitesses de transmission, par Yves Renouard
Transport et communication, véhicules et vecteurs ont partie liée. Nous nous étions penchés sur la route (Cahiers de médiologie n°2) et sur l’automobile (Cahiers de médiologie n°12). Il était temps de monter à cheval et en locomotive. Rien de ce qui est mobilisateur n’est étranger à la médiologie.
Yves Renouard, dont on commémore en 2008 le centenaire de la naissance, normalien et membre de l’École française de Rome, a été doyen de la faculté des lettres de Bordeaux de 1946 à 1954, puis professeur à la Sorbonne. Il a présidé le jury de l’agrégation d’histoire et le Comité français des sciences historiques jusqu’à sa mort, en 1965.
Le comité de lecture remercie le fils d’Yves Renouard, François, de nous avoir autorisé à publier ce texte.
La morale d’un clic-clac, par Monique Sicard
Un travelling est affaire de morale, disait-on naguère, après Godard. Une photo officielle aussi. Le genre est imposé. À quelques nuances près.
Monique Sicard, revue Médium. Dernier livre publié : La Fabrique du regard (XV-XXe siècle). Images de science et appareils de vision, Odile Jacob, 1998.
Le tout-à-l’écran, par Yves Racicot
« Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. » Le médiologue aussi. Considérons donc attentivement l’écran qui nous fait voir le monde, sa prolifération, ses mutations, son évanescence et sa harcelante omniprésence. Ce simple dispositif modifie nos dispositions les plus intimes.
Yves Racicot est réalisateur, il enseigne à l’École des médias et au doctorat en études et pratiques des arts de l’université du Québec à Montréal. Ses recherches actuelles portent sur la transformation de la présence par la prolifération des écrans.
Quand la photographie devient affiche, par Daniel Grojnowski
La publicité a-t-elle vulgarisé l’art photographique ? Ou bien la photographie a-t-elle fait de la publicité un art ? A-telle désacralisé l’objet rare ou contribué à resacraliser l’esprit public ? Au-delà de cette trop simple alternative, une réponse originale.
Daniel Grojnowski a publié Photographie et langage, Corti, 2002.
PENSE-BÊTE (2), par Régis Debray
Suite du journal intime d’un médiologue, zigzaguant, nez au vent, à travers films, lectures, anecdotes et rencontres.
Régis Debray, dernier livre : Un candide en Terre sainte, Gallimard, 2008.
BONJOUR L'ANCÊTRE
Ici, contre l’amnnésie et la désinvolture, un médiologue d’aujourd’hui célèbre un maître d’hier oublié ou méconnu.
Jean Le Clerc, ou la République des bibliothèques, avec Robert Damien
Jean Le Clerc, né à Genève en 1657 et mort à Amsterdam en 1736, est considéré comme un polygraphe subalterne, un vulgarisateur abondant et un critique oublié. Son effacement est aujourd’hui quasi total. De cette oeuvre monumentale, retenons sommairement trois noeuds stratégiques. Tout d’abord, Le Clerc fut le traducteur, l’éditeur et l’ami de Locke. Le militantisme lockien de Le Clerc lui fit publier la méthode bibliographique de classement des livres de la bibliothèque de Locke (qui contenait 33 titres de Le Clerc) et un Éloge de feu monsieur Locke. Outre le philosophe et le politique, il reconnaîtra en Locke un exégète aigu de saint Paul, capable heureusement de soustraire la vérité chrétienne de la Bible aux combats apologétiques des factions comme à la crédulité des enthousiastes.
Robert Damien est professeur de philosophie à l’université de Nanterre. Dernier livre paru : Le Conseiller du Prince, de Machiavel à nos jours, PUF, 2004.
SALUT L'ARTISTE
Ici, contre modes et paresses, un coup de projecteur éclaire un coin d’ombre
dans la forêt des formes actuelles.
Bob Verschueren, par Robert Dumas
À l’écart du gigantisme du Land-Art, dont l’appréciation nécessite souvent la photographie aérienne, Bob Verschueren se révèle un artiste modeste, un essayeur qui oeuvre aux frontières : celles de la matière et de la forme, celles de l’esprit et du corps, celles de la nature et de la culture. Dans ses installations, le médiologue repérera de nouvelles connexions, la réorchestration des vieux partages, l’entrecroisement de ce qui a été séparé.
Robert Dumas est professeur de philosophie et vient de publier Bob Verschueren - Conversation
avec Robert Dumas aux Éditions Tandem, 6280 Gerpinnes, Belgique.
UN CONCEPT
Un peu de logique s’il vous plaît. Place à une notion fondamentale et fondatrice sévèrement résumée. Parce que la médiologie ne se sait pas science, elle s’exige rigueur et cohérence.
Frontière, par Paul Soriano
Le dictionnaire 1 définit la frontière comme une limite qui naturellement détermine l’étendue d’un territoire ou par convention sépare deux États. Au début du XIIIe siècle, frontière s’emploie au sens de « front d’une armée » et, par extension, de « place fortifiée ». Le sens moderne (XIVe siècle) paraît être issu de l’ancien adjectif frontier, « qui fait face à, voisin ». La guerre étant, comme chacun sait, la continuation de la politique conduite par d’autres moyens, il n’est pas surprenant que l’usage se soit élargi du militaire au politique – reconduire à la frontière ; violer, défendre, franchir une frontière ; tracé de la frontière, incident de frontière… – avant de franchir plus récemment les… frontières de cette première acception. Le terme est parfois employé avec valeur d’adjectif (pour frontalier) : zone, poste, ville frontière.
Paul Soriano est chargé de mission « études et recherches » à la direction de la stratégie du groupe La Poste. Dernier livre publié : Internet, l’inquiétante extase, avec Alain Finkielkraut (Mille et Une Nuits, 2001).
SYMPTÔMES
Ici, chacun s’en donne à cœur joie et à compte propre sur tel ou tel sémaphore de l’esprit du temps.
L’école obscène, par Daniel Faivre
Un beau jour des années 90, l’administration de mon collège supprima nos estrades. Ce changement s’imposait de luimême : d’après tous les inspecteurs, le cours magistral était révolu, le professeur était désormais l’égal de l’élève, quand il n’avait pas à apprendre de lui !
Le dieu du carnage, par Roger Bensky
Politique, donc, cette comédie toute récente de Yasmina Reza – dramaturge, romancière et chroniqueuse de campagne pour personnalités proto-fascinatoires. Oui ou non, c’est selon.
La querelle des médailles, par Daniel Bougnoux
Professeur à l’Institut d’études politiques de Grenoble, dont il est actuellement le directeur, Olivier Ihl a contribué aux Cahiers de médiologie (en se penchant dans notre premier numéro, « La querelle du spectacle », sur les fastes et les spectacles républicains).
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