Le particulier qui s’adresse à un avocat, ou qui lit la décision de justice rendue pour ou contre lui, éprouve un étrange sentiment : les « vraies » questions qu’il avait posées semblent avoir été escamotées. Elles n’ont pas reçu de réponse.
Le juriste semble détenir les réponses aux questions que se pose le justiciable ; c’est ce qui le définit en quelque sorte et justifie son intervention. Il les puise notamment dans la loi et dans les décisions judiciaires.
La réalité est moins simple. Entre questions et réponses en droit s’instaure un jeu complexe et subtil. Les questions risquent fort de s’y perdre tant elles sont préparées, codées, dirigées par les « réponses » supposées en attente.
La qualité du savoir des juristes dépend de leur aptitude à sauvegarder les questions, à ne pas les laisser s’émousser et disparaître sous l’emprise de notions, de catégories et de qualifications qui les recouvrent. Le retour aux questions de droit passe par la redécouverte du temps propre au savoir juridique et à sa sédimentation. Loin de la dogmatique juridique, il y a lieu de penser le droit et les lois comme des réponses. Les questions sont à poser en situation.
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