La cause de la phénoménologie — l'intitulé n'a rien de militant et ne s'entend pas davantage au sens de la défense d'une méthode plus que centenaire, comme si elle se trouvait aujourd'hui dénigrée. Si la phénoménologie, ou mieux son idée critique, doit se défendre, c'est sans doute bien plutôt contre elle-même, contre son élargissement tous azimuts et les effets de labélisation qu'il induit — par exemple, phénoménologie versus philosophie analytique.
La cause ne fait pas non plus écho à la Sache, prise emphatiquement, comme l'affaire de la pensée. Elle évoquerait plutôt les « choses » de la phénoménologie, non pas des choses mêmes jamais données comme telles, mais les questions ou les problèmes, délimités et concrets, où le mouvement phénoménologique a pu constituer historiquement sa tradition, en dialogue avec d'autres écoles. Ce retour aux « choses », au sens des res disputatae, ne suppose évidemment aucune volonté d'historicisation, comme si la seule phénoménologie qui vaille était celle des Pères fondateurs, aux prises avec les débats de leur temps (psychologisme, néokantisme, pragmatisme, etc.). Il atteste plutôt la conviction que l'idée de la phénoménologie peut encore aujourd'hui imposer son exigence et orienter les démarches dans telle ou telle question vive, pourvu qu'elle prenne la juste mesure de sa possibilité et/ou de son impossibilité, en interrogeant ses limites, donc en n'hésitant pas à remettre en question son « pacte apophantique » fondateur.
Les études qui suivent contribueront à cette interrogation réflexive de la phénoménologie tournée vers elle-même, et donc vers les problèmes grâce auxquels elle a pu, de Husserl à Heidegger et au-delà, progressivement réaliser son idée.
— Jean-François Courtine —
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