La philosophie cartésienne, en dépit des efforts souvent tentés pour l'exposer suivant une dialectique unilinéaire, n’est point, à strictement parler, un système. On la nommerait assez bien un pluralisme, en ce sens que son contenu ne se laisse ni dériver d’un seul principe, ni enfermer dans une seule formule. Pluralisme cohérent, faudrait-il ajouter : non seulement parce que les oppositions qui s’y révèlent ne sont pas (quoi qu’on en ait dit) de formelles contradictions, mais surtout parce que chacun des termes opposés n’y a été admis qu’en vertu d’une même attitude d’esprit, la docilité à l’évidence. Se plier en toutes choses à ce qu’on voit ; l’enregistrer comme on le voit, à quelque ordre qu’il appartienne, sans y rien mêler de sa sensibilité propre : voilà l’attitude cartésienne, telle qu’elle se manifeste dans la théorie de la méthode, comme aussi dans le Cogito et dans les démarches qui en procèdent. C’est l’attitude empirique, au sens premier et authentique du mot : ceux-là seuls répugnent à en convenir, que des associations invétérées conduisent toujours à confondre empirique et sensualiste. En sorte que, si nous voulons à toute force caractériser la philosophie de Descartes par un nom, le nom qui lui siérait le mieux serait, tout paradoxe à part, celui d’empirisme – empirisme radical et intégral.