Soucieux d’enrayer la mainmise du pouvoir biotechnologique sur le vivant humain, le législateur a institué depuis 1994 la protection de l’espèce humaine. Au fil des lois successives de bioéthique, l’espèce humaine est devenue l’une des valeurs les mieux protégées du droit français, justifiant les sanctions pénales les plus sévères et les interdictions les plus absolues. Fait troublant, assurément, quand on sait que la notion d’espèce humaine n’a de consistance, ni juridique, ni biologique. Faut-il dès lors penser que sa protection garantie par le droit relève du pur arbitraire politique ? Et que penser par ailleurs d’un système juridique qui s’appuie sur des données faussées de la biologie pour définir ses valeurs ?
L’examen attentif de l’idée d’espèce humaine, tout empreinte de moralisation désordonnée, suggère ainsi que le droit qui lui donne la primauté, au détriment de l’individu et au mépris de la personne, n’est pas tout à fait un droit. Cherchant avant tout à vérifier la conformité biologique des individus à l’étalon normatif de l’espèce, il s’agirait plutôt d’un contrôleur de pedigree. Obsédées par la constitution génétique et biologique, les dispositions relatives à la bioéthique sèment le trouble dans les fondements mêmes du droit, remettant en cause la notion de sujet de droit et s’apprêtant à exclure de l’humanité les individus conscients dont la naissance ne répondra pas aux critères de naturalité imposés par le sacre de l’espèce humaine.
Il est donc urgent de repenser les fondements de la bioéthique et de redonner au droit toute sa force en tentant de lui indiquer ce qu’il s’apprête à oublier : le fait de la naissance.
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