Né le 13 novembre 1945, à Saint-Maurice-sur-Moselle, Pierre Pelot (Pierre Grosdemange de son vrai nom) passe une enfance sans souci dans la montagne et la forêt de sa région. Les livres, il les dévore dans la bibliothèque de l'école communale. Son instituteur se souvient que le petit Pierre n'avait jamais assez de pages pour terminer ses rédactions. Sa culture de l'image mais aussi de l'histoire se double de sa passion pour le cinéma.
En 1959, son certificat d'études primaires en poche, l'adolescent s'en va dans un centre d'apprentissage à Mulhouse, section électricité. Cela suppose une vie en pensionnat. L'expérience s'achève précocement, au bout d'une semaine, sur une fugue avec trois camarades. De 1960 à 1963, l'adolescent apprend le dessin et la peinture par correspondance, avec la méthode ABC dont on voyait alors les publicités partout dans les journaux. Alors que les copains de sa bande sont déjà au travail ou en apprentissage, lui s'interroge sur ce qu'il pourra bien faire de sa vie. Le Pantin immobile, où l'auteur se met en scène, évoque cette difficile période : « Ça n'a pas été tout seul, au début c'était le fainéant du village, il n'allait pas à l'usine comme tout le monde, ses parents l'entretenaient : tu parles d'une honte. »
Fainéant, Pelot ? Il est pourtant devenu un recordman de l'écriture, que ne dépassent guère en France que G. J. Arnaud et Frédéric Dard (le fameux San Antonio).
Pierre Pelot écrit sans relâche et envoie ses manuscrits tous azimuts, jusqu'à Gallimard. En vain. Jusqu'au jour où un éditeur répond positivement. L'anecdote est connue : il n'y avait pas le téléphone à la maison. Le jeune homme, pas encore vingt ans, attendait en grelottant « dans le couloir glacé qui séparait la salle de bistrot de l'épicerie ». Le téléphone a sonné ; le roman était accepté. L'auteur a presque peine à réaliser. La Piste du Dakota est le premier roman à voir le jour, en 1966, dans la collection Marabout Junior. Il est signé Pierre Pelot, du surnom que lui donnait sa mère : Pelot, « le petit ».
Un écrivain est né.
Il intègre l'écurie du Fleuve Noir après un galop d'essai en jeunesse : Une Autre Terre. Comme l'exigeait l'éditeur à l'époque, l'auteur, censé proposer d'abord sa production au Fleuve Noir, devait prendre un pseudonyme exclusif. Pierre Pelot devient donc Pierre Suragne, en référence à la vallée de l'Agne, du nom d'un ruisseau coulant au pied de Saint-Maurice. Bien décidé à ne pas placer tous ses oeufs dans le même panier, Pierre Pelot alimente sous ce nom diverses collections : de la science-fiction bien sûr, un genre de prédilection pour lui ; des romans vosgiens à redécouvrir ; sur le mode fantastique, de saisissantes fictions dans la collection Angoisse du Fleuve Noir... Puis il se lance dans le polar, dès 1974, avec l'emblématique Du Plomb dans la neige.
La suite compte tellement de titres qu'elle est indescriptible. Disons simplement que, parmi les romans les plus originaux de cette veine polar de la collection Spécial Police, figure en bonne place Les grands méchants loufs.
Écoutons Pierre Pelot : « Au Fleuve, tous autant que nous étions, on tirait à 50 000 et on les vendait ! Les fameux bouquins de gare ! C'était une époque où j'écrivais dans un bonheur total, absolu. Avec des éditeurs divers qui me publiaient à tour de bras, et c'était bien, car j'avais absolument besoin d'écrire, beaucoup, pour la très simple raison que les personnages et les histoires se bousculaient en moi. J'étais un perchoir à histoires surchargé de ces étranges volatiles qui avaient choisi mes ramures pour se reposer de longs vols. Car c'est ainsi que vont les histoires : elles volent dans le ciel en attendant qu'on les attrape pour les raconter - ce n'est pas moi qui le dit, mais les Indiens Crees, qui savent de quoi ils parlent. »
Pelot est un grand chasseur : il a attrapé tellement d'histoires au vol et son oeuvre compte tellement de titres qu'elle est devenue indescriptible. On mentionnera cependant, pour terminer, parmi ses best-sellers, C'est ainsi que les hommes vivent et L'été en pente douce, par ailleurs un des succès du cinéma des années 1980.