Pitigrilli, grand écrivain italien de l’entre-deux guerres, redécouvert récemment grâce à l’étude d’Umberto Eco, n’a en fin compte parlé que des femmes. Ou plus précisément, de la perplexité des hommes en face des femmes. Peut-être la sienne, d’ailleurs.
Dolichocephala bionda, qui causa un vif émoi à sa parution, à l’époque où les idéologies raciales dominantes présentaient "la femme supérieure" comme une dolichocéphale blonde, est une des nombreuses et magistrales variations de Pitigrilli sur l’éternel féminin.
Un étrange médecin, à mi-chemin entre le philanthrope et le charlatan, achève sa cinquante-sixième conquête féminine. Il se partagera tout au long du roman entre celle-ci et la cinquante-septième, princesse d'un petit royaume de fantaisie, comme il en subsiste. L'amour ? C’est le plus énigmatique dans le répertoire des sentiments que dépeint Pitigrilli.
L'itinéraire sentimental de Théodore Zweifel, car tel est le nom de ce médecin, le mène d'Ostende à l'Australie. Mais inéluctablement, vers le désenchantement. Le voyage, qui s'achève sur un coup proprement "fumant", est cependant tissé de cet humour et de ce sens constant de la provocation qui caractérisent Pitigrilli, souvent surnommé le Paul Morand italien. Et du sentiment omniprésent que la liberté d'esprit désigne inéluctablement celui qui en souffre à la vindicte générale.
Rien n'a vieilli chez Pitigrilli, sinon qu'il appelle la radio TSF. Moins brillant, moins élégant, Dolico Blonde passerait aisément pour un de ces romans qui "défraient la chronique" contemporaine, comme disent les chroniqueurs.
Biographie Le pseudonyme même de Pitigrilli résume un aspect essentiel de cet écrivain paradoxal et scintillant que fut, de son vrai nom, Dino Segrè (1893 - 1975). Il se refusait à être Moi-écrivain. Pour lui, en effet, on n’écrit pas, on est écrit. Écrire, c’est se faire le porte-parole des lecteurs. Parti-pris qui allait lui valoir quelques solides inimitiés dans le milieu littéraire italien, et d’autant plus que Pitigrilli ne cachait pas son dédain pour les penseurs professionnels. On ne peut s’empêcher d’évoquer un autre pseudonyme célèbre, celui de son contemporain Kurt Sickert, plus connu sous le nom de Malaparte. Par sa mère, Pitigrilli était le cousin germain de Carlo Levi, l’auteur du chef-d’œuvre célèbre Le Christ s’est arrêté à Eboli. La littérature coulait dans ses veines. Se sentit-il isolé du public italien par sa judaïté ? Nul ne le dira pour lui. Toujours fut-il qu’il se convertit au catholicisme. Dès 1920, Pitigrilli déferle, c’est le seul mot, sur son public. En cette seule année-là, il publie deux livres à la fois, Mammiferi di lusso (Sonzogno, Milan) et La cintura du castità (id). L’année suivante, encore deux livres : Cocaina et Oltraggio al pudore (id). Le public lui fait un accueil chaleureux, la critique, elle, s’énerve : on le mesure à son silence croissant. Car il est bien connu que les augures du bon ton ne souffrent pas qu’on triomphe sans leur truchement. En 1923 paraît La vergine a diciotto carati (id) et en 1929, l’Esperimento di Pott (id), qui paraît deux ans plus tard en traduction. Française, sous le titre L’Homme qui cherche l’amour (Albin Michel). Le succès ne se dément pas. En 1931 : I vegetariani dell’amore (Sonzogno) et en 1936, l’un de ses plus grands succès, Dolicocefala bionda (id). On ne cesse de le réimprimer. Une rumeur funeste veut que Mussolini l’apprécie. Crime en vérité impardonnable. Il est probable, en effet, que le socialiste que fut Mussolini ait apprécié la critique sociale qui court comme un fil au travers de l’œuvre de Pitigrilli. Peut-être le dictateur et l’écrivain se sont-ils, en effet, rencontrés. Mais Pitigrilli a également rencontré Picasso après la guerre. Néanmoins, la rumeur va se changer en ragot. Pitigrilli passe pour "l’œil de Mussolini" à Paris. Nul doute que le Duce était impatient de connaître l’humeur des cafés littéraires parisiens… Bref. Voilà un argument de plus pour jeter l’anathème sur Pitigrilli. Pitigrilli fasciste ? Mais comment se fait-il alors qu’il n’ait rien publié sur le Fascio ? Rien publié pendant les années de guerre ? Il ne reprend, en effet, ses publications qu’en 1948, chez le même éditeur, auquel il restera fidèle toute sa vie, Sonzogno, et cette fois avec sept titres d’un coup, Mosè et Il Cavalier Levi, Il farmacista a cavallo, Saturno, La piscina di Siloe, La meravigliosa avventura, Lezioni d’amore, et Apollinaria. Sept titres ! Cela indique bien plus une rétention de publication qui aura duré douze ans. Et cela continue : 1949, Pitigrilli parla di Pitigrilli ; 1952, Il sesso degli angeli ; 1953, Dizionario antiballistico et La moglie di Putifarro ; 1954, Gusto per il mistero et Come quando fuori piove ; 1955, La donna degli scimpanzé et L’"affaire" Susanna ; 1956, L’amore ha i giorni contati ; 1957, I figli deformano il ventre et Il pollo non si mangia con le mani ; 1958, Amore con la O maiuscola ; 1962, Il sacrosanto diritto di fregarsene ; 1963, trois titres d’un coup une fois de plus L’ombelico di Adamo, I publicani e le meretrici et Amore a prezzo fesso ; 1964, Odor di femmina et I Kukukuku ; 1965, Il dito nel ventilatore ; 1967, La donna di 30, 40, 50, 60 anni et La bella et i curculionidi ; 1968, Queste, codeste et quelle ; 1970, Amori Express ; 1971, Sette delitti ; 1974, Nostra Signora di Miss Tiff. Pitigrilli meurt à Buenos-Aires à 82 ans. Il aura publié quarante-trois titres en cinquante-cinq ans de carrière. Quarante-trois titres, et pas un mot de la critique. Le fait est saisissant. La longueur du purgatoire de Pitigrilli est comparable à celle de son contemporain Klabund. Ils connurent tous les deux un succès fulgurant et ils appartenaient tous les deux à l’avant-guerre. L’Allemand fut victime du Nazisme, qui ne voulait pas d’un sceptique et l’Italien, victime indirecte du Fascisme, qu’il n’avait pas assez critiqué aux yeux de l’intelligentsia d’après-guerre. Mais le purgatoire de Pitigrilli s’est achevé plus tôt que celui de Klabund : en 1976, ce fut Umberto Eco qui préfaça la réédition, toujours chez Sonzogno, de deux romans parmi les plus célèbres de son compatriote, L’esperimento di Pott et Dolicocefala bionda. Son admiration a rendu Pitigrilli à la littérature. Il nous restait à le rendre aux lecteurs français. Bibliographie Mammiferi di lusso (Sonzogno, Milan 1920), La cintura du castità (1920), Cocaina (1921),Oltraggio al pudore (1921), La vergine a diciotto carati (1923), l’Esperimento di Pott (1929), L’Homme qui cherche l’amour (1931), I vegetariani dell’amore (1931), Dolico blonde (1936), Mosè et Il Cavalier Levi (1948), Il farmacista a cavallo (1948), Saturno (1948), La piscina di Siloe (1948), La meravigliosa avventura (1948), Lezioni d’amore (1948), Apollinaria (1948), Pitigrilli parla di Pitigrilli (1949); , Il sesso degli angeli (1952), Dizionario antiballistico (1953), La moglie di Putifarro (1953) , Gusto per il mistero (1954) Come quando fuori piove (1954), La donna degli scimpanzé (1955), L’"affaire" Susanna (1955), L’amore ha i giorni contati (1956), I figli deformano il ventre (1957), Il pollo non si mangia con le mani (1957), Amore con la O maiuscola (1958), Il sacrosanto diritto di fregarsene (1962), L’ombelico di Adamo (1963), I publicani e le meretrici (1963), Amore a prezzo fesso (1963), Odor di femmina et I Kukukuku (1964), Il dito nel ventilatore (1965), La donna di 30, 40, 50, 60 anni (1967), La bella et i curculionidi (1967), Queste, codeste(1968), quelle (1968), Amori Express (1970), Sette delitti (1971), Nostra Signora di Miss Tiff (1974).
Título : Dolico blonde
EAN : 9782315005734
Editorial : Max Milo Editions
El libro electrónico Dolico blonde está en formato ePub protegido por CARE
¿Quieres leer en un eReader de otra marca? Sigue nuestra guía.
Conectarme
Mi cuenta