Dans Figures de l’histoire, Jacques Rancière poursuit sa subtile réflexion sur le pouvoir de représentation des images de l’art. Comment fait l’art pour rendre compte des événements qui ont traversé une époque ? Quelle place attribue-t-il aux acteurs qui les ont faits – ou à ceux qui en ont été victimes ? D’Alexandre Medvedkine à Chris Marker, de Humphrey Jennings à Claude Lanzmann, mais aussi de Goya à Manet, de Kandinsky à Barnett Newman, ou de Kurt Schwitters à Larry Rivers, ces questions ne sont pas seulement celles que posent les spectateurs aux œuvres qu’ils rencontrent. Elles sont celles de l’histoire de l’art elle-même. S’interroger sur la manière avec laquelle les artistes découpent le monde sensible pour en isoler ou en redistribuer les éléments, c’est s’interroger sur la politique au cœur de toute démarche artistique. Telle est la démarche de Jacques Rancière, pour qui il n’est pas d’image qui, en montrant ou en cachant, ne dise quelque chose de ce qu’il est admis, dans tel lieu ou à tel moment, de montrer ou de cacher. Mais aussi pour qui il n’est pas d’image qui ne puisse, en montrant ou en cachant autrement, rouvrir la discussion à propos des scènes que l’histoire officielle prétendait avoir figées une fois pour toutes. Représenter l’histoire peut conduire à l’emprisonner – mais aussi à en libérer le sens.
"Le moderne dédaigne d'imaginer " disait Mallarmé.
Poètes, peintres, dramaturges ou ingénieurs voulaient alors mettre l'union de la forme et de l'acte à la place de la vieille dualité de la réalité et de l'image. La vie en eût été révolutionnée. Nos contemporains ne croient plus en la révolution et chantent à nouveau, fût-ce au passé, le culte de l'image : éclair sublime sur la toile, punctum de la photographie ou plan-icône. L'image devient la présence sensible de l'Autre : verbe devenu chair ou marque du dieu irreprésentable.
A l'une et l'autre vision Jacques Rancière oppose la nature composée, hétérogène, de ce que nous appelons des images. Celles-ci ne sont ni des copies ni des présences brutes, mais des opérations singulières, redistribuant les rapports du visible, du dicible et du pensable. A l'exemple de la phrase-image de Godard, étudiée ici, qui superpose un plan de film noir, une image de l'extermination des Juifs et un discours de philosophe, ce livre analyse les liens méconnus qui unissent symbolisme poétique et design industriel, fictions du XIXe siècle et témoignages sur les camps ou installations de l'art contemporain.
Un même projet anime ces parcours croisés : libérer les images des ombres théologiques pour les rendre à l'invention poétique et à ses enjeux politiques.
Título : Le destin des images
EAN : 9782358721165
Editorial : La fabrique éditions
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