Raquel ROBLES
Raquel Robles est née à Santa Fe en 1971. Écrivain, elle est aussi enseignante spécialisée dans les sciences de l’éducation et travaille auprès d’adolescents en difficulté. Elle est l’auteur de deux autres romans. Membre fondateur de l’association H.I.J.O.S. (Les enfants de disparus), elle s’est consacrée à la lutte contre l’impunité. Petits Combattants est le récit fictionnel d’une expérience vécue par elle et des milliers d’autres Argentins entre 1976 et 1983. Interview de Raquel Robles
Les parents de Raquel Robles, Flora Pasatir et Gastón Robles, qui était secrétaire d’Etat à l’Agriculture du gouvernement de Héctor Cámpora, furent arrêtés le 5 avril 1976 à leur domicile, alors que leurs deux enfants Raquel, 5 ans, et Mariano, 3 ans, dormaient. C’est cet événement qui constitue le point de départ de Petits Combattants.
Comment avez-vous travaillé ce livre pour le tirer vers la fiction alors qu’il est inspiré par votre propre histoire ?
Au départ, je pensais me servir de toutes les histoires que j’avais entendu raconter par mes camarades de l’association H.I.J.O.S . Mais après, j’ai trouvé qu’il y avait une certaine tricherie dans cette démarche : vouloir écrire une histoire globale, alors que la manière de vivre cette situation est forcément singulière, personnelle. Du coup je me suis mise à tenir une sorte de journal dans lequel, toutes les nuits, je me laissais traverser par mes souvenirs d’enfance. Avec ma propre histoire j’avais la liberté de faire de la fiction quand je voulais. Et de rire de situations dont je n’aurais pas osé rire si je m’étais servi de l’histoire d’autres personnes.
La fillette a l’air plus âgée que vous au moment de l’enlèvement de vos parents…
Oui, dans le roman elle a 7-8 ans, l’âge de ma fille aujourd’hui. Je me suis un peu regardée en elle comme dans un miroir pour construire le personnage : la façon qu’elle a de faire plus que son âge, avec son vocabulaire et ses raisonnements par exemple. Mais aussi le fait qu’elle croie avoir un pouvoir sur les choses. Dans mon cas, il n’y avait personne pour me prouver le contraire…
Depuis quelque temps de nouvelles façons d’écrire sur ces années de dictature, particulièrement dans le domaine de la fiction, apparaissent…
Je pense que la vérité peut passer beaucoup plus facilement par le biais de la fiction que par celui du témoignage. Le témoignage est forcément celui d’un autre. Alors qu’avec la fiction le lecteur peut s’identifier. Moi je peux reconnaître des traits de caractère de ma propre fille dans le personnage alors qu’elle n’a pas vécu ce drame. Ou bien ce qui m’est arrivé à moi aurait pu vous arriver à vous… Ou c’est arrivé à des gens de ma génération.
La fillette a une vision très romantique de la lutte de ses parents.
Comme toutes les choses qui se sont figées à un moment du passé : elles gardent leur pureté. On peut parler du militantisme comme quelque chose de romantique tant qu’on ne milite pas. Après, on est confronté aux misères humaines pas à « l’homme nouveau ». Nous avons été élevés dans un militantisme de littérature : les livres soviétiques nous donnaient une vision romantique et dogmatique. Après, on se frotte à la réalité…
Pourquoi avoir choisi d’écrire un livre sur ce thème maintenant ?
De mes trois romans, c’est le seul qui traite de ce thème. En général je préfère aller de l’avant dans ma vie. Les témoignages recueillis par H.I.J.O.S. par exemple, je m’en sers à des fins politiques, pour obtenir justice.
© Natalia Páez, Tiempo Argentino, 12 décembre 2013
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