« Le monde actuel, celui de la mondialisation et du capitalisme, est le monde juste qu’a voulu la philosophie depuis son commencement avec Socrate et Platon. » Comment l’auteur de cet ouvrage peut-il soutenir pareille thèse ?
Parce que le monde où nous vivons est celui de la fin de l’histoire. Non pas certes au sens hégélien d’un accomplissement naturel et irrésistible — il y a eu l’Holocauste. Mais au sens où, dans ce monde, le mal foncier de l’homme, sa complaisance inéliminable à l’aliénation, son injustice constitutive, son refus de l’« ex-istence » vers l’autre, sa pulsion de mort, ont été fixés : le mal a été réduit à sa forme minimale — socialement, le capitalisme. Dans cette fin de l’histoire s’établit la démocratie véritable, celle qui garantit à chacun, par le droit, les conditions pour advenir à son individualité. Une démocratie délivrée de tous démons de démocratie directe (populaire, d’opinion, participative, etc.) et confirmée dans sa vérité de démocratie représentative par l’acceptation résolue du capitalisme.
Telles sont les conséquences politiques que doit tirer aujourd’hui la philosophie, si du moins elle ne se contente pas, avec la pensée contemporaine depuis Kierkegaard, de poser l’existence ; de surcroît elle pose l’inconscient qui en est le principe. Car la seule affirmation de l’existence a voué la philosophie à une contradiction radicale incarnée dans ce penseur si problématique qu’est Carl Schmitt. Et elle a débouché, à travers le projet de révolution anticapitaliste, sur les horreurs du totalitarisme lumineusement décrites par Hannah Arendt. La philosophie ne peut résoudre une telle contradiction qu’en affirmant l’inconscient : cet inconscient créateur par lequel est assumé, autant qu’il est possible, le refus foncier de l’existence — la pulsion de mort.
Cet ouvrage propose un dialogue entre la philosophie analytique, fondée par Frege et Russell, et la pensée de l’existence, inaugurée par Kierkegaard et développée à sa suite notamment par Rosenzweig et Heidegger.
Pour la philosophie analytique, il n’est de savoir que scientifique ; tandis que dans la pensée de l’existence, la vérité essentielle, à savoir celle de l’ouverture à l’Autre, est ignorée et même rejetée au nom de la science. L’une et l’autre sont attachées au langage, la première voulant le réformer afin d’élaborer un langage logique pour la science, la seconde y voyant un lieu majeur de l’existence. Cependant, toutes deux refusent que puisse être posé comme tel un savoir philosophique avec l’essence comme principe. Elles se rejoignent également en Wittgenstein, penseur paradoxal, qui hérite des analyses de la philosophie analytique en les critiquant implicitement au nom de la vérité découverte par la pensée de l’existence.
On entend montrer ici que l’inconscient, qui s’exprime de manière privilégiée dans le langage par la métaphore, permet de passer outre à ce refus, de déterminer l’essence originelle et de présenter la philosophie comme savoir de l’existence.
Título : Philosophie et langage
EAN : 9791037038562
Editorial : Hermann
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